Uniformisation, politiquement correct, enjeux

Publié le par Réflexion contemporaine


Une société libre (et pas nécessairement sous la forme démocratique) est une société qui admet dans son fonctionnement une large pluralité de points de vue et de types d'individus. Si le totalitarisme fait peur, c'est parce qu'il menace la pluralité nécessaire à la liberté à travers l'imposition de catégories uniformisatrices et annihilant l'expression des singularités subjectives. Or, il n'est pas certain que l'absolutisation de la démocratie soit à même de remplir au plus haut point l'exigence de liberté à l'échelle sociétale. Cette incapacité à satisfaire l'idéal d'une liberté collective dans la réalisation de l'idéal démocratique tient d'une part au principe de raison par majorité (ce que chacun peut constater tant qu'il ne partage pas l'opinion majoritaire), d'autre part à l'instance ontique qui entraîne le peuple à chercher sans cesse son inscription dans la mêmeté.

En effet, le désir ordinaire de mêmeté influe un certain nombre de catégories intellectuelles et normatives sous la bannière desquelles peut se réfugier à tout moment l'individu. Le On heideggerien prend alors le sens d'un panel d'opinions dont l'articulation et la finalité ne se laissent jamais suffisamment mettre en question. Le sujet démocratique pense ce que le On pense, comme si la raison majoritaire se confondait à la raison tout court. Ainsi, on se plaint régulièrement de l'apanage médiatique sur la vie de la cité sans voir que c'est l'instance ontique dont nous parlons qui propulse précisément les médias au rang d'informateur (au sens fort du terme) officiel. Le On a besoin de trouver son explicitation dans un langage où la mêmeté se couvre d'une fausse authenticité, et les médias sont là pour fournir cette explicitation. De façon plus simple, nous pourrions dire que l'individu démocratique, se réfugiant dans la raison majoritaire, a besoin d'une direction de pensée que lui offre le discours médiatique.

Là pointent les notions de pensée officielle, d'opinion uniforme et de suppression des singularités individuelles. Au niveau du désir qui la fait advenir, la mêmeté confond tant le régime totalitaire que l'idéal démocratique. Et l'opposition par laquelle on les distingue traditionnellement ne joue plus à ce niveau. Le processus est retors: pour avoir raison, il faut partager la raison majoritaire. Aussi bien, il s'agit de se normaliser au niveau d'une opinion globale, se mouvoir dans l'acceptable du cadre politique qui en légitimise la prégnance. Ce qu'on appelle "politiquement correct" signifie en propre le processus de normalisation des opinions individuelles par nivellement à l'échelle des discours officiels proposés au peuple.

Publié dans politique

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